C'était le jour où Théo allait à la salle de gym. Je savais que je l'y trouverais. Elle ne raterait jamais une séance. J'avais envie de lui parler. Mais aussi de l'observer. C'était reposant. Et beau aussi, j'avoue, c'était assez blasant de voir quelqu'un comme elle évoluer sur un praticable. J'étais incapable de faire le quart de ce qu'elle faisait. J'entrais discrètement dans la pièce pour ne pas la déranger. Elle avait l'air vraiment très concentrée, alors autant ne pas la déranger.

Elle retomba mal en faissant une figure, un flip arrière, je crois. et se mit à pleurer.

Jamais j'y arriverais, je ne sers à rien...

Je la rejoignis et la forçai à me regarder.

Je t'interdis de dire ça. Hey, regarde-moi.

Je lui souris.

Tu ne sers pas à rien, et tu y arriveras. Il faut juste que tu te ménage un peu plus.

Je la pris dans mes bras, fraternellement.

Allez, dis-moi ce qui te tracasses. Tu sais que tu peux tout me dire.

Il y a des jours ou on à l'impression de se prendre une grosse baffe dans la figure... et d'autres ou c'est plutôt le tgv Paris-Londres lancé à pleine allure, sans frein, quand tu es sur la voie. Pas vraiment agréable, en fait. Je pouvais comprendre qu'elle ait voulu taire l'existence de son frère. Une façon en quelque sorte de s'en protéger. J'aurais agis, je pense de la même façon.
La seconde baffe fut la plus monumentale que j'ai prise dans ma tronche. Elle faisait écho au coup de poing de Rover en vérité.

J'inspirais profondément, comment réagir ? Je continuais à la laisser pleurer en la berçant légèrement. En lui caressant machinalement les cheveux. Plongé dans mes pensées.

Pour ton frère, je peux comprendre. Et je ne te jugerais pas. Tu dis avoir perdu la moitié de ton âme... Tu sais, les gens comme moi n'ont pas d'âme... Enfin, c'est ce qu'on dit. Je pense que ton frère a droit à une seconde chance. Parfois, on fait des choses qui apportent du mal autour de nous, mais c'est inconscient... Ce serait comme tout plaquer sur un coup de tête, et essayer de recoller des morceaux si brisés que la tâche nous parait insurmontable... Parfois, on a besoin d'un coup de main, d'une autre chance...

Je n'avais pas vraiment envie de parler du second point...

Pour Rover... Math... Tu n'ignores pas que je ne peux pas le souffrir, à cause d'Hailey... Mais je ne peux pas te juger là dessus. Moi aussi j'ai fait des conneries. On en fait tous. Moi, ce qui m'importe, c'est que tu sois heureuse. Si ça implique de tolérer Math, alors je le tolèrerai. Mais si jamias il te fait pleurer ou quoi que ce soit, il aura affaire à moi.

Je haussais les épaules.

Règle n°1 : Ne jamais s'excuser.

Je lui souris, pour la rassurer.

Ne t'inquiète pas. Comme je te l'ai dit, ça ne me dérange pas, du moment que tu es heureuse. Tu sais... parfois, tu rencontres une personne, et ça change tout...

Je regardai un instant le plafond. La plupart des personnes avec qui j'avais réussi à fraterniser ici, c'était des rencontre plutôt ... accidentelles.

Je te l'ai dit, je veux bien tolérer Math... Du moment qu'il ne fait souffrir personne. Ne t'inquiète pas, je serai un ange.

Je lui fis un clin d'oeil.

Depuis l'espèce de rupture... C'était comme ça que je devais dire, non ? avec Théodora, je me sentai mal. J'avais l'impression d'avoir perdu quelque chose. Ses yeux bleus me hantaient. Son odeur me poursuivait partout. Un éclat d'une couleur me rappelait ses cheveux... J'étais... perturbé... et ça se ressentait. J'avais une franche envie de tout envoyer balader. Et taper dans un ballon, ou une tête accessoirement, ne m'aurait même pas calmé.

Mû par une intuition, je me dirigeais vers le gymnase. Avec un peu de chance, elle y serait.

Non. Il ne faut pas que j'y aille.

Je me retrouvais pourtant devant la porte du gymnase. Je ne pouvais pas reculer. Enfin, si. Mais je n'étais pas sur d'en avoir envie. Je posais ma main sur la poignée de la porte de la salle de gym. Elle était ouverte.

Il y avait bien Théodora dedans... et aussi Keith. Je retins de justesse un juron. Je restai planté là, comme un idiot.

Oh ...

Pas très futé comme réponse, hein ?

Étais-je jalouse? Ou simplement en colère?
Tout ce que je savais, c'est qu'il fallait que je règle quelques
petites choses avec Math et Théodora. Je refusais catégoriquement
qu'ils sortent ensemble c'est deux là. J'avais rompue avec Math il y a,
à peine 5 jours, et il fricote déjà avec Théodora !! C'était
improbable...Et humiliant !! Il fallait que je règle ça, afin de
pouvoir vivre mon idylle tranquillement avec Keith. Et le seul endroit
où je pourrais trouver cette pimbêche, était la salle de Gym. Oui, car
Math avait un goût prononcer pour les sportives, puisque Théodora était
capitaine du club de gym. J'étais franchement énerver. Moi qui pensais
que cette pouf était mon amie!! Comment oser telle sortir avec mon ex
comme ça? J'étais heureuse avec Keith, mais il y a une chose que je ne
supportais pas: Que mes amies sortent avec mes ex moins d'une semaine
après qu'on est rompus...
J'entrais dans la salle, et dis:
THEODORA STONNEN je crois qu'on a besoin de parler !!
Et c'est à ce moment que je me rendis compte de quelque chose de pas bien du tout.
Dans cette salle était présente Théodora, en tenue d'entrainement, mais il y avait aussi Keith...et Math...

Comme si parler de lui l'avait attiré Math, il débarqua dans la salle, sans doute dans l'espoir de parler à Théo, à moins qu'il ne soit là pour faire de la gym... Il se figea, en nous fixant et lâcha un "oh" que je trouvais parfaitement stupide.
Il resta planté là, à nous dévisager. Je trouvais la situation plutôt embarassante... et d'après ce que m'avait dit Théo, je me sentais légèrement de trop : les disputes de couples ne concernent que le couple en questions, non ? Bien que ce ne soit pas vraiment un couple. Même s'il y avait quelque chose entre eux, je le sentais.

Ça aurait pû en rester là, mais malheureusement, quelqu'un ou quelque chose semblait ne pas être de cet avis, et ce fut une Hailey visiblement en pétard qui débarqua.

THEODORA STONNEN, je crois qu'on a besoin de parler !!!

AUtant dire qu'il y avait de l'orage dans l'air...
Théo se leva et partit. Je la regardai faire en prévoyant un gros gros gros orage... Qui lacherait la bonde en premier ?

Juste après mon arrivé, ce fut à Hailey de débarquer. Je murmurais un léger juron. Ça n'allait pas être simple du tout. J'étais même quasiment sur de me prendre au moins une baffe. De l'une des deux filles voire des deux. Quand à Keith... s'il voulait se venger de mon coup de la dernière fois...

Théodora se leva et se dirigea vers la sortie.

Devais-je l'arrêter ? Devais-je la laisser passer ? Que faire vis à vis d'Hailey ?

Je n'avais pas envie de me retrouver seul avec Hailey et Keith. Nous étions un peu tous les quatre dans la même galère. Pas mal à cause de moi, mais aussi de Keith.

Quand elle passa près de moi, vu que j'étais resté près de la porte, je la saisis par le bras. J'étais un peu gênée. Un Vagabond qui essaie d'arrêter la Lune.

Reste. S'il te plait.

Les mots que Théo lança à Hailey étaient durs. J'avais l'impression que ce n'était pas vraiment elle qui parlait, ça paraissait bizarre... Hailey resta un moment bouche bée, sans pouvoir répondre, avant de lui rétorquer le même genre de chose, sur le même ton, en concluant que Math était un connard de première, ce qui me fit sourire, intérieurement.

Elle tourna les talons pour partir. Je me relevais d'un bond et lui saisit la main, un peu de la même façon que Math avait fait auparavant. Sauf qu'Hailey se dégagea plutôt violemment.

Lache moi s'il te plait !

Elle sortit de la pièce sans un regard en arrière. Je jetais un coup d'oeil à Théodora. Je secouai la tête.

Je pense qu'il vaut mieux remettre notre conversation à plus tard.

J'avais parlé d'une voix calme, même si j'étais plutôt en colère. Je sortis à mon tour du gymnase, et partis à la recherche d'Hailey. Je préférai ne pas la laisser seule. Et puis, la discussion qui n'allait pas tarder entre Math et Théo ne regardait qu'eux.

Malgré le fait que je ne sois plus avec Hailey, les paroles de Théodora provoquèrent un léger agacement en moi. Mais les paroles paroles de cette dernière eurent vite fait de bannir cette réminiscence de sentiment.
Elle sortit, et Keith s'apprêta à la suivre. Il s'adressa d'abord à Théo.

Je pense qu'il vaut mieux remettre notre conversation à plus tard.

Je faillis rétorquer que je pensais qu'il valait mieux qu'il disparaisse lui aussi. Il sortit à son tour. Il n'y avait plus que Théodora et moi. Je me rendis compte de sa main dans la mienne. Puis se fut son parfum qui s'empara de moi, achevant de faire chavirer mon cœur. Je n'essayais même pas de résister. J'avais l'impression que la Lune venait de se lever pour éclaircir la nuit.

Je ne savais pas quoi dire ou faire. Adopter ce ton désinvolte et insolent qui m'étais familier ? Lui avouer que je n'en pouvais plus et me montrer ainsi vulnérable ? J'aurais bien aimé une petite illumination là maintenant tout de suite. Au lieu de ça, je la fis légèrement tourner avant de la serrer contre moi, enfouissant mon visage dans ces cheveux. Parler n'aurait servit à rien.

Un instant avant j'étais complètement tétanisé, le suivant, je répondais à son baiser comme si c'était le dernier acte, le moment de baisser le rideau. En un sens, il fallait que ça le soit. Sinon, nous étions voués à la perdition... L'essence de nos âmes, qui s'attiraient irrémédiablement, causerait notre perte... J'en avais peur... mais en même temps j'en crevais d'envie.

Qu'importe que tu me brise Math. Qu'importe ce que les gens peuvent penser...Je ne peux pas vivre sans toi. Tu es le seul. Je t'aime Math...

Je pris doucement son visage dans mes mains et me rapprochait jusqu'à ce que nos fronts se touchent. Je me forçais à rester calme, contrairement au flot d'adrénaline qui pulsait dans mes veines. Aurais-je la force de la repousser une seconde fois ? En aurais-je seulement le courage ? Ou bien le Vagabond était-il un lâche ? Je fixais ses yeux bleus, et un léger sourire étira mes lèvres. Non, je ne pourrais pas. Je ne pourrais pas, parce que ces magnifiques saphirs avaient planté fermement leurs crochets dans mon âme.

En es-tu vraiment sûre, Théo ? Es-tu vraiment prête à tout risquer avec un salaud comme moi ? Tu as vu ce qui s'est passé avec Hailey... Je ne veux pas t'imposer la même fatalité... Même si je t'aime à m'en damner, je ne suis pas sûr de ne pas te faire souffrir.

Ça y est, je les avais dit ces trois foutus mots que j'avais longtemps déviés de leur sens, leur donnant une signification plus douloureuse... Mais là, ils étaient sincères...

Je la serrai contre moi, plus tendrement que n'importe qui d'autre, elle, la ravissante pierre précieuse dont j'espérai ne jamais ternir l'éclat.

Si tu savais à quel point je les ai regrettés ces mots... et comme je me suis haï de te faire ainsi souffrir... Je pensai pouvoir réussir à t'ignorer, à faire comme si rien ne c'était passé... Ç'a été ma pire erreur. Tu as hanté chacune des minutes qui se sont écoulés. Je ne peux rien te promettre, mais je peux essayer de ne jamais plus te refaire souffrir ainsi. Je n'ai rien à t'offrir, hormis le coeur, l'âme et la vie d'un Vagabond.

Je m'étais penché vers son oreille et lui avais murmuré ces phrases qui en quelques mots, non seulement me mettaient à nu, mais aussi qui faisait de moi tout ce qu'elle voudrait. Car, j'en étais sûre, j'irais défier Dieu dans son auguste demeure, ou le Diable dans sa fournaise si elle me le demandait. Pour elle. J'avais l'impression d'être complet, désormais. Et comme si la haine en moi s'était un peu atténuée. Mais, pour elle, renoncerai-je à mon désir de vengeance ? Je ne savais pas.

Acceptes-tu cet insignifiant présent, Théodora Stonnen ?

Elle était tellement craquante quand elle voulait me faire chanter. Accédant à sa requête, je penchais légèrement la tête et capturais doucement ses lèvres, en un baiser passionné. C'était tellement agréable que je serais resté des siècles ainsi.

Au faite...Serais tu capable de supporter une jeune fille caractérielle comme moi?

J'éclatais d'un petit rire, pas très méchant.

Si tu savais tout ce dont je suis capable, Darling, je pense que tu ne resterais pas longtemps ici. J'ai plus grandi dans Campden Town qu'à Campden Town. Et c'est fou le nombre de choses que tu peux faire dans la rue avec un brin d'imagination.

Et croyez moi, ce n'est pas peu dire, bon il faut dire qu'avec Trent, on faisait pas mal de conneries, je crois que c'est pour ça que ma mère ne l'aimait pas trop, on "était pas du même monde". C'est sûr, elle aurait plus apprécié Théo, dans le sens "venant de bonne famille". Laissez moi rire.

Qui sait, on s'est p't-être croisé à l'époque. Toi la merveilleuse petite princesse rebelle, et moi, le Vagabond, par le nom et l'esprit, le gamin des rues qui jetait les pierres dans les vitrines et qui s'amusait à piquer des bonbons... Bon, d'accord, pas toujours des bonbons.

Je lui souris de toutes mes dents, plus heureux que je ne l'avais jamais été. Je lui avais tout offert de moi, jusqu'à mon âme, j'étais prêt à me damner pour cet ange tombée du Kensigton, pour la faire sourire, rire. Ouais, j'étais amoureux, vraiment. Pas ce genre de fadaises que se disent les ados boutonneux, pas une de ses promesses détruites par le vent. Non, j'étais bien irrémédiablement perdu dans ses yeux bleus. J'aimais sentir son corps contre le mien. Elle devait entendre le rythme effrené de mon coeur, moi, j'avais l'impression étrange de ne plus exister qu'à travers elle.

Comme si j'avais attendus ça toute ma vie.

J'ai l'impression de te connaître depuis toujours alors que je ne sais quasiment rien de toi, Théo. Tu ne trouves pas ça étrange ?

Ce n'était pas vraiment important, mais je voulais en savoir plus sur elle. Non, je voulais tout savoir, jusqu'au détail insignifiant comme son parfum de glace préféré ou le plat qu'elle détestait.

Dis-moi qui tu es. Dis-moi tout ce qui pourrait m'aider à comprendre ce qui nous lie.

Moi, un prince ? Me voilà élevé à un rang que beaucoup doivent envier.

Je remarquais qu'elle était plutôt en tenue légère. Elle devait se peler, en octobre, dans une sale pas vraiment chauffée. Je me décollai d'elle le temps de retirer ma veste et de l'envelopper dedans. Elle avait l'air assez comique, dans ma veste trop grande pour elle. Je repoussais tendrement une mèche de cheveux derrière sonn oreille.

Et voici un beau manteau d'hermine pour Votre Altesse.

J'étais hilare, mais ce n'était pas méchant. Je l'embrassai tendrement.

Theodora Cornelia Sarah Stonnen, je vous aime à en crever, et rien n'y pourra changer. Jamais.

J'espérai que le veilleur ou je ne sais pas qui n'aurait pas l'idée stupide de débarquer ici.